L'histoire du Domaine de BeaurepaireAu fil des siècles
Depuis toujours atout inestimable du Cotentin,
Le Domaine de Beaurepaire a constamment évolué au fil des siècles. Les mutations et l’esprit propre à chaque époque ont laissé leurs empreintes sur l’ensemble de ce site inscrit au titre des
monuments historiques, nous offrant aujourd’hui un lieu d’une richesse rare.
Il est difficile de retracer précisément les origines du site, dont les plus anciennes traces remontent à la fin du Moyen-Âge.
Un manoir sur motte abrite à partir du XIVe siècle le siège de la
seigneurie Martinvast/ Jobourg. Cette construction contribue à la défense de Cherbourg, ville stratégique qui, au cours de la guerre de cent ans, est fréquemment attaquée et assiégée par les troupes anglaises qui finissent par détruire ladite motte.
Si l’emplacement exact de cette structure féodale reste incertain, il est toutefois attesté qu’au XVe siècle un château fort est construit dans le creux de vallée ou se situe l'actuelle bâtisse.
De cette ancienne
construction cernée par des douves, ne subsiste aujourd’hui qu’une des sept tours qui flanquaient l’édifice, l’actuel
Donjon, ainsi qu’un corps de logis remanié par la suite.
Au XVIe siècle,
Martinvast est à nouveau aux portes du théâtre d’un conflit, celui des guerres de religion. Alors que les Huguenots se rendent maître de plusieurs villes en
Normandie, Cherbourg est la seule qui résiste aux multiples attaques protestantes. C’est probablement peu de temps après ces évènements que Bartole du Moncel, issu de la septième génération des seigneurs de Martinvast, fait construire près des fondations de l’ancienne structure un nouveau château.
L’apparence de cet édifice reflète un tournant architectural qui s’opère alors en France. Les façades de style Renaissance se simplifient, la multiplicité des décors s’efface. On passe alors à une architecture dite Classique, car étant plus sobre et symétrique.
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, peu de travaux semblent avoir été réalisés sur le château. En revanche de nouvelles dépendances sont construites à proximité, notamment des communs qui servent de logements pour les ouvriers et domestiques. Mis à part le bâti, une mutation paysagère s'amorce dans le domaine où un jardin à la française est aménagé dont les traces les plus manifestes définissent encore aujourd’hui sa composition.
En 1820,
le général Alexandre du Moncel hérite d’un domaine de 156 hectares qu’il va profondément remodeler. Ce député et conseiller général de la Manche y crée une exploitation rurale exemplaire, des plus innovantes de son temps, où
activités agricoles et industrielles s'intègrent dans un
parc paysager remarquable. Son œuvre s'inscrit ainsi dans une dynamique de modernisation agricole promue tout au long du XIXe siècle par les différents régimes politiques.
Du Moncel agrandit et transforme ainsi considérablement la propriété qui, par héritage et acquisition successives atteint 512 hectares en 1845. Ses terres, moitié en bois et en taillis, moitié en labours et en prairies, sont réparties sur plusieurs communes des environs et composées en différents ensembles dont le principal est le domaine actuel.
Certaines terres sont enrichies pour devenir plus fertiles, d'autres sont remodelées et drainées afin d'aménager le site.
Un réseau hydraulique innovant permet d’assécher les marécages
aux abords du château, dont les douves sont également supprimées, et
de créer des étangs.
Cette maîtrise ingénieuse de l’eau va de pair avec l’activité de
ce creux de vallée, car elle représente
une source d’énergie qui fait tourner
les moulins. Cet effet double s’observe également dans les campagnes de défrichage qui ouvrent des espaces pour des herbages et prairies tout en dessinant les contours
d’un vaste parc à l’anglaise.
Sur le plan architectural,
Alexandre du Moncel entreprend également de grands chantiers. Il fait construire une vingtaine de bâtiments, notamment des
ateliers industriels, qui ont tous une fonction spécifique au sein de cet ensemble qui regroupe six fermes d'exploitation.
Une forge, un atelier de charpente et de menuiserie, ainsi que des moulins à blé, à lin et à tan qui alimentent
la ville de Cherbourg, comptent parmi ces nouveaux équipements.
En ce milieu de siècle,
cette ferme-modèle occupe une centaine de personnes. À l’initiative du gouvernement, elle intègre dès 1850
une ferme-école qui accueille chaque année 11 élèves pour un cycle d’étude de 3 ans.
L’essor de l’exploitation fait ainsi du domaine un lieu pionnier dans le développement de techniques agricoles.
En 1867, après avoir été propriété de la
famille du Moncel pendant treize générations, le domaine est vendu au
Baron Arthur de Schickler.
Ce banquier de la
famille impériale de Prusse voit en ces
terres de Martinvast un lieu propice pour y
élever ses chevaux de courses. Ses ambitions donnent lieu à de grands travaux qui transforment les lieux en profondeur.
Le Baron de Schickler met ainsi fin à l’activité de la ferme modèle et déconstruit la moitié des bâtiments qui y étaient affectés.
Il fait appel à un architecte britannique pour
la construction de prestigieux bâtiments, notamment ceux du haras dont les purs-sangs sont bientôt réputés dans tout le pays.
De même, il décide de remodeler le château existant et de faire construire une aile nouvelle qui relie l’édifice existant avec le donjon. Sur le volet paysager, le jardin à la française s’estompe laissant place à un parc à l’anglaise qui continue de s'agrandir et d’accueillir des essences exotiques provenant de divers continents. La propriété n’incarne donc plus le progrès agricole, mais devient un lieu de prestige et de raffinement qui s’ouvre au public et accueille des manifestations telle la fête des Couturières.
À l’aube du XXe siècle, l’écurie de course du Baron de Schickler disparaît après plus de 50 ans d’existence et de nombreux prix remportés. Les yearlings sont mis aux enchères en 1908. Si l’heure de gloire du
haras de Martinvast est désormais révolue, c’est aussi pour tout le domaine qu’un changement d’époque s’annonce.
Quelques années plus tard, la Première Guerre mondiale bouleverse la propriété. Une partie des personnes y travaillant est mobilisée sur le front, le château quant à lui devient un hôpital de campagne.
Après le décès du
Baron Arthur de Schickler en 1918, sa fille unique,
Marguerite et son époux le Comte Hubert de Pourtalès, passionné de chevaux et
maire de Martinvast depuis 1892, poursuivent ensemble la gestion et l’entretien du domaine.
Réputés très généreux et d’une grande bonté, leurs actions ne se distinguent pas par de grands projets architecturaux ou paysagers mais par une gestion du domaine qui tient compte des besoins de la population locale.
En tant que maire,
le comte Hubert de Pourtalès n’hésite pas à offrir de l’argent aux nécessiteux ou faire don de ses terres à la commune qui y construit des bâtiments publics.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il conserve sa fonction d’élu et continue d’apporter son soutien aux habitants, dont le quotidien est devenu très difficile.
L’Occupation affecte également la vie du domaine, en premier lieu par la présence d’un état-major allemand qui s’installe au château et ses annexes, ainsi que par la construction de rampes de lancement de missiles V1 sur les hauteurs du site.
Cette présence militaire aux portes de Cherbourg en fait une cible pour les attaques alliées. Les bombardements de l’aviation britannique et américaine détruisent une grande partie du château et ses abords, laissant une propriété ravagée. Les bâtiments sont en ruines ou ont perdu leur toiture, le parc se trouve dans un état désolant, défiguré par les arbres arrachés et les nombreux trous d’obus. L’économie en est profondément ébranlée et nécessitera de forts investissements pour s’en remettre.
Au lendemain de la guerre, le couple de
Pourtalès-Schickler va laisser la gestion du domaine à leur fille,
Béatrice de Hauteville, qui sera également
élue maire de Martinvast. C’est avec le même esprit que son père, qu’elle œuvre à la reconstruction de la commune dans son ensemble et porte une attention particulière aux besoins de ses habitants.
Ce n’est qu'à partir des années 60, lorsque le domaine sera repris par
Christian de Pourtalès, petit-fils du maire du même nom, que débutera la restauration partielle du château et la réhabilitation de nombreux bâtiments comme lieux d’habitations. Le parc quant à lui retrouve lentement sa splendeur d’antan et accueille un large public, notamment pour des manifestations culturelles qui font revivre les lieux.
Les sons et lumières (1987-1991) comptent sans nul doute parmi les événements majeurs qui ont lieu sur le domaine en cette fin de siècle, rencontrant un vif succès dans les environs.
Certaines éditions attirent plus de 10 000 spectateurs et mobilisent une véritable entreprise qui réunit près de 1 000 personnes : figurants, comédiens, amateurs, cavaliers, cascadeurs, couturiers, techniciens, etc. Avec pour toile de fond le château, les spectacles font revivre quinze siècles d’histoire locale.
Suite au décès du
Comte de Pourtalès en 2018, le devenir de la propriété est incertain.
Six Martinvastais soucieux de préserver ce patrimoine prennent alors l'initiative d’acquérir le domaine avec pour ambition de
révéler son potentiel et de le faire découvrir au travers de diverses expériences.